Juzo avançait lentement, regardant d’un air absent son chemin tout en relisant pour la centième fois (au moins) le grimoire qu’il avait emporté de France concernant la transformation en animagus. Ses échecs successifs le tourmentaient, lui qui avait prévu depuis longtemps qu’il réussirait avant la fin de sa septième année. Or, l’année venait de commencer et ces deux semaines et des poussières de sur place lui laissaient un goût amer dans la bouche. Bien sûr, ce n’était pas le seul problème. Il avait du mal à s’habituer à l’ambiance si différente de Mahoutokoro, Beauxbâtons et ses amis lui manquaient, sa famille lui paraissait terriblement loin, et il avait croisé son sosie dans le couloir sans trouver le courage de l’approcher. Il se détestait de le fuir à chaque fois qu’il croyait l’apercevoir. Il était d’ailleurs presque sûr de se tromper de personne une fois sur deux. Nombre d’élèves devaient se demander quel était son problème. Sa vision périphérique lui indiqua un obstacle, qu’il enjamba sans y penser tout en relisant le paragraphe qui lui posait problème.

Il n’avait pas encore réussi à communiquer avec les autres élèves. En même temps, ils se connaissaient depuis sept ans et lui venait d’arriver de France. Au moins avait-il le « privilège » d’être d’origine asiatique et de ne pas trop attirer l’attention rien qu’à son apparence. Donc ses conversations étaient limitées à des demandes par rapport aux cours et quelques questions d’ordre pratique vis-à-vis des professeurs et des lieux de l’école. Rien de bien exaltant malheureusement. Vanis remua dans sa poche de robe de sorcier, il plongea sa main droite vers celle-ci et lui caressa du bout du doigt la tête sans y penser. Quelque chose fit ‘tilt’ dans son cerveau et il comprit enfin ce fichu paragraphe, il passa donc au suivant. Pour découvrir que ce qu’il croyait avoir compris était faux. Il poussa un soupir excédé et se figea un instant au milieu de la carré, hésitant à abandonner pour aujourd’hui. Les cours étaient fini et il essayait de se rendre à sa salle commune sans succès jusqu’à présent (le fait qu’il ne regarda pas tout à fait où il allait en était peut-être la raison, sait-on jamais). Il haussa les épaules et recommença à marcher, légèrement plus vite, levant le nez des pages du grimoire pour essayer de se repérer.

C’était lors d’un moment où ses yeux avaient retrouvé les lignes manuscrites de son livre qu’il tourna à un angle de couloir et qu’il percuta quelqu’un.
»MERDE ! » jura-t-il en français tout en tombant en arrière sur les fesses.
Le livre fit un vol plané qu’il suivit des yeux sans pouvoir empêcher la gravité de faire effet, autant sur son propre corps que sur l’objet. Qui chût pitoyablement sur la tranche, deux mètres plus loin. Il lui fallut trente secondes de regard fixe sur ces pages froissées avant que ses yeux ne se focalisent sur la cause de cette ridicule chute (dont il ne parlerait jamais à personne dans ses lettres et surtout pas à Eiji).
»Doublement merde » souffla-t-il entre ses dents. Il cligna une fois les yeux. Puis deux. Et se sentit pâlir misérablement. Il détestait les surprises. Il avait cent cognards qui dansaient la samba dans son ventre de faisaient peser son estomac au plus près du sol.
« Euh… ça va ? » demanda-t-il d’une voix hésitante à la personne qui se trouvait en face de lui. Sa copie conforme.

Spoiler:

   

   

   Son précédent cours vient de finir, laissant Thahan erré dans les couloirs, perturbé, troublé par ce que plusieurs de ses amis lui ont dit. Voilà plusieurs jours maintenant que ses amis ne cessent de lui répéter qu’ils ont croisé son sosie dans l’école mais Thahan ne comprend pas comment cela peut être possible. Il a toujours été fils unique, il a beau tenter d’oublier cette période de sa vie où il vivait avec ses vrais parents, avant que ceux-ci ne l’abandonnent comme s’il n’était qu’un objet inutile, il était fils unique. Il est donc clairement impossible à ses yeux qu’il puisse avoir un jumeau. En ce qui concerne les sosies, il sait qu’on dit souvent qu’on a tous un voir plusieurs sosies dans le monde mais de là à retrouver le sien dans la même école? Non, impossible. Ce qui perturbe surtout le jeune sorcier, c’est que s’il avait fait toute sa scolarité à Mahoutokoro, il aurait forcément déjà dû le croiser non? C’est ce qui lui fait penser qu’il vient tout juste d’arriver mais tout de même… Il est même aller jusqu’à penser qu’un élève métamorphomage se faisait passer pour lui mais dans quel but? A ses yeux, il n’a jamais eu d’ennuis avec quiconque alors… Non, vraiment, il ne comprend pas comment c’est possible. Il se persuade que ses amis ont dû simplement vouloir lui faire une blague… mais quand même, qu’ils soient autant à y participer inquiète un peu Thahan.

Tentant d’oublier cette histoire, Thahan prend la direction de sa salle commune. Il a beau essayer de penser à autre chose, cette histoire ne cesse de le perturber. Qu’il puisse y avoir dans cette école un élève qui lui ressemble trait pour trait… Le jeune sorcier soupire, il aimerait bien en parler avec sa famille, peut être qu’eux sauraient l’aider. Il ne peut pas être qu’un simple sosie, après tout les sosies ne peuvent pas ressembler parfaitement à “l’original” non? Soupirant une énième fois, Thahan secoue légèrement la tête de sorte à faire sortir cette histoire de son esprit, se convaincant que c’est simplement une blague de ses amis. C’est à ce même moment qu’il tourne au coin d’un mur et rentre de plein fouet dans un élève. Le choc est tel qu’il se retrouve les fesses au sol. Mais le choc n’est rien comparé à celui qu’il ressent lorsqu’il relève enfin les yeux vers la personne dans laquelle il est rentré. C’est tellement inattendu, impossible que cela lui donne le tournis. En face de lui, sa copie conforme, hormis la couleur de cheveux étant donné qu’il a teint les siens en rouge il y a peu. Ses amis ne mentaient donc pas… Thahan a du mal à accuser le coup, sa tête tourne toujours, encore sous le choc de cette rencontre inattendue. Il en perd même ses mots. Il ne saurait mettre des mots sur ce qu’il ressent à cet instant. C’est impossible, comment une personne qu’il ne connaît pas peut autant lui ressembler.  Pourtant, c’est comme s’il se regardait dans un miroir, couleur de cheveux mis à part… Tandis qu’il tente de reprendre ses esprits, la voix de sa copie conforme se fait entendre, surprenant Thahan. Sa voix est certe, différente de la sienne et pourtant, il a l’impression qu’elle aussi, ressemble à la sienne. Se rendant compte qu’il vient de lui demander si ça allait, d’un ton hésitant cependant, traduisant sans doute sa même surprise en découvrant Thahan, ce dernier s’oblige à parler, cherchant les mots.

-Je… comment…

Toujours aussi troublé, Thahan ne parvient guère à former une phrase. Il est sous le choc, cherchant à comprendre comment cela peut-être possible. Y aurait-il eût une erreur? Il se sent complètement perdu...

   

Juzo fixait la personne en face de lui. Il déglutit. Bon. Il avait l’air aussi perturbé que lui, d’un autre côté, si on suit la logique, il ignorait, lui, qu’il avait un frère jumeau, non ? C’est comme la semaine dernière quand il l’a vu au loin. Juzo se rend compte qu’il a pensé à beaucoup de choses pratiques par rapport à son voyage jusqu’ici et à ses cours, et tout et tout, mais qu’il n’avait absolument pa anticiper toutes ces choses comme : « comment réagir si je le trouve ? » « Est-ce qu’il avait aussi un jumeau ou pas ? » « Comment il s’appelle ? Est-ce que son nom est aussi Eiji ou pas ? » etc.
Des questions qui paraissent toutes bêtes mais qui n’avaient pas effleurées Juzo. Et là, en voyant le visage déconfit de son vis-à-vis, il eut une autre révélation : il avait peut-être fait une erreur de vouloir absolument trouver et rencontrer ce jumeau fantôme ? Il n’avait pensé qu’à lui. Et s’il chamboulait complètement sa vie, et pas dans le bon sens du terme ? Il se sentit brutalement coupable, comme une chape de béton lui tombant sur la nuque. Il déglutit de nouveau et prit une lente inspiration avant de se relever tout aussi lentement. Il essaie de se remettre de son choc, de sa révélation et se dit que de toute manière, lorsque l’eau est tirée, il faut la boire. Il tend donc sa main à cet inconnu-connu. Ce reflet de lui-même aux cheveux rouges qui le regarde comme s’il venait de mars. Ou du fond de la mer.

« Salut, euh… ça va aller quand même ou pas ? » demanda-t-il, la main toujours tendue entre eux.

Juzo n’arrive pas à savoir s’il espère qu’il la prenne ou qu’il le repousse. Il est complètement perdu. Il n’arrivait pas à arrêter de dévisager le garçon en face de lui. Il avait l’impression d’être dans un roman mal écrit. Il avait fait exprès d’esquiver la semi-question de l’autre. Parce qu’il ne se sentait pas de lui répondre dans l’instant. Il se voyait très mal lui balancer ce que lui savait. Come si c’était normal. Enfin… C’était ce qu’il avait prévu à la base mais entre le prévoir et le réaliser, il s’était rendu compte qu’il y avait un monde entier. Parce que c’était beaucoup plus difficile avec un vrai être vivant qu’avec l’image qu’il s’en était fait mentalement. Il commença à osciller sur ses pieds tout en regardant le Toppuu.

« Je suis désolé de t’être rentré dedans, je ne regardais pas vraiment où j’allais. » Il inclina le buste légèrement pour marquer ses excuses.

   

Thahan ne sait que penser. Visiblement, il ne peut pas y avoir de doutes, ils sont forcément liés par le sang, sans quoi il serait impossible qu’il soit sa copie conforme. Pourtant, si c’était son jumeau, pourquoi ses parents ne lui en ont-ils jamais parlé? Et surtout, pourquoi les auraient-ils séparer? Thahan ne songe pas une seconde à cette autre possibilité qui pourtant, est la plus logique. Il est encore trop sous le choc, à tenter de recouvrer la parole mais les mots semblent décidément lui manquer. Il regarde sa copie conforme se lever et tendre la main vers lui, lui proposant ainsi son aide pour le relever. Il reprend la parole, semblant vouloir s’assurer que Thahan va bien. Mais il est toujours sous le choc bien qu’il commence peu à peu à revenir à lui. Il ne cesse de dévisager son vis-à-vis, à la fois troublé et intrigué. Après quelques secondes, il finit par accepter la main tendue et se relève à son tour.

-Je… ça va…, finit-il par répondre

Enfin, pas vraiment étant donné qu’il ne comprend pas comment il a pu ne pas avoir connaissance de son existence. Thahan a beau ne rien savoir de lui, pour lui c’est une évidence, ils sont forcément liés, pourtant il a encore du mal à se remettre de cette découverte. L’inconnu s’excuse alors de lui être rentré dedans, qu’il ne faisait pas attention, avant de s’incliner légèrement, marquant ses excuses. Thahan lui, ne sait pas quoi dire, il ne faisait pas attention non plus. L’ironie c’est bien évidemment que si lui était distrait, c’était justement à cause de ce que ses amis lui avaient dit, à cause de cette copie conforme de lui même qu’il a en face de lui. D’un geste nerveux, Thahan se passe la main à l’arrière de la tête, ne sachant pas vraiment quoi dire. Il ne peut pas en rester là, maintenant qu’il l’a rencontré, il a besoin de savoir, de comprendre et peut-être que lui, en sait plus que Thahan. Pourtant, il est incapable de trouver les mots.

-Ce… ce n’est pas grave… Je… je ne faisais pas attention non plus…

Il ne peut s’empêcher de le dévisager, c’est comme regarder dans un miroir. Thahan se souvient alors l’avoir entendu parler dans une langue étrangère, du moins il suppose, juste après qu’ils se soient rentrés dedans. Il en conclut donc qu’il a dû vivre à l’étranger. En ce qui concerne la langue par contre, il n’a aucune idée de quel pays c’est…

-Tu… tu es nouveau? demande-t-il finalement.

Parler avec son sosie est quelque chose de nouveau et assez étrange pour Thahan, il ne peut s’empêcher de penser à cette comparaison de lorsqu’il se regarde dans un miroir. C’est très perturbant pour lui mais il a besoin de savoir, maintenant qu’il l’a rencontré, il ne pourra pas cesser d’y penser tant qu’il n’aura pas eu de réponses...

   

Juzo regardait l’air de ne pas savoir quoi faire ce jumeau qu’il ne connaissait somme toute pas du tout. Mais sembla aussi soulagé qu’il lui réponde que tout allait bien. Le brun hocha la tête et esquissa un très bref sourire lorsqu’il comprit qu’ils étaient tout les deux ailleurs. Cause de ce carambolage : étourderie ++. Merveilleux.

Il ne pouvait manquer de remarquer qu’ils se dévisageaient tout les deux de la même manière : l’air de ne pas trop y croire. Quelqu’un d’extérieur pourrait les prendre pour deux idiots. Il cligna brutalement des yeux parce que son esprit l’avait rappelé à l’ordre soudainement. Son livre était à quelques mètres de là, triste objet lamentablement étalé sur le sol. Un grimoire manuscrit très cher que ses parents lui avaient offert. Il se sentit mal et se précipita pour le prendre, le dépoussiérer et vérifier qu’aucunes pages n’étaient abimées. Il poussa un soupir de soulagement, rien de grave, rien qu’un sort de défroissage ne saurait régler. Il entendit la question de l’autre tandis qu’il auscultait son livre. Cette voix l’interpellait, elle avait quelques intonations différentes mais son essence était si semblable à la sienne que c’en était perturbant.

Il se retourna lentement et hocha la tête.

« Je viens de Beauxbâtons. En France. C’est là-bas que… enfin… » Il se gratte l’arrête des sourcils, mal à l’aise. « Je suis venu ici pour me rapprocher de ma famille… paternelle. » Un semi-mensonge, c’est déjà un bon début, non ? C’est toujours… Juzo écarquilla les yeux soudainement et serra le sbras contre son corps.

« Je suis Naoe Juzo. Excuse-moi de ne pas m’être présenté plus tôt. » dit-il précipitamment. Au-delà du fait qu’il était face à son vrai jumeau – le doute n’était définitivement plus permis – il avait oublié les règles de politesse élémentaires. Sa grand-mère Moi lui aurait tiré les oreilles si elle l’avait appris. Heureusement que personne ici ne pourrait cafter. Il eut une pensée pour Eiji et se sentit encore plus mal. Il ne voulait pas lui faire de tort. Il se sentait si égoïste d’être venu ici désormais. C’était fou comment on pouvait être sûr de quelque chose pendant des années et qu’au moment où ça se réalise, tout s’inverse dans notre tête. Rien n’aurait pu le préparer à ça. Et quelque part, il préférait ça. Même s’il était déjà en train d’essayer de prévoir ses prochaines paroles histoire de ne pas dire que de la merde.

   

Le choc commence à passer pour Thahan même s’il a toujours du mal à y croire. Il ne comprend pas comment il a pu ignorer l’existence de son jumeau, parce qu’à ses yeux, c’est évident, ils sont jumeaux. Seulement, pourquoi ont-ils été séparés? Là est la question et bizarrement, Thahan a ce sentiment que son vis-à-vis doit avoir les réponses à ses questions seulement, il ne semble pas vraiment plus à l’aise que lui. Il le regarde aller ramasser un grimoire, visiblement assez cher au vu de son apparence, et vérifier qu’il n’est pas abîmé. Il se tourne ensuite à nouveau vers lui pour lui répondre. C’est tellement étrange, cette sensation, Thahan a encore du mal à s’y faire, ce qui semble compréhensible. Le brun l’informe alors qu’il vient de Beauxbâtons, l’école de magie française. Il en conclut que les paroles incompréhensibles à ses oreilles étaient du français. Thahan est curieux de savoir comment il a atterrit en France, puisque tout comme lui puisqu’ils sont identiques, il n’a rien d’occidental. Son jumeau finit par se présenter sous le nom de Naoe Juzo, s’excusant de ne pas s’être présenté plus tôt. Thahan ne lui en veut pas, après tout lui non plus n’y a pas pensé, trop sous le choc sans doute.

-Moi c’est Chiba Thahan, répond-t-il simplement.

C’est assez ironique cette présentation si l’on observe la scène d’un point de vue extérieur, deux garçons se ressemblant comme deux gouttes d’eau, qui se présentent l’un à l’autre… Thahan se sent mal à l’aise, il ne sait pas trop quoi dire. Juzo lui a dit qu’il était venu pour se rapprocher de sa famille paternelle mais il semble mal à l’aise, Thahan ne fait aucune remarque cependant.

-Alors… euh… tu as vécu depuis tout ce temps… en… en France?

Thahan ne peut s’empêcher de vouloir en apprendre plus, parce qu’il sait qu’il ne peut plus y avoir aucun doute sur leur lien de parenté, seulement il ne comprend pas comment ils ont pu être séparé et, visiblement, son esprit est encore trop embrumé pour réfléchir avec logique… Alors il se contente de le questionner, un peu mal à l’aise et troublé mais faisant bonne figure. Il aurait aimé que sa soeur soit avec lui, elle elle sait toujours trouver les mots!

   

Thahan… Il s’appelait Thahan… Ça lui allait bien. C’était la seule pensée cohérente qu’il arrivait à créer pendant qu’il attendait… Il ne savait quoi. Mais il attendait tranquillement (ou pas soyons réaliste, il n’arrêtait pas de se frotter les sourcils, de triturer son livre ou le tissu de son vêtement, une vraie souris sous acides). Il ne savait pas quoi lui dire, et Thahan semblait, lui savoir quoi demander. C’était toujours ça de pris. Juzo regarda autour d’eux et lui lança un regard inquiet. Est-ce qu’il avait compris que quelque chose se passait de vraiment… ? Enfin, Juzo ne le pensait pas idiot non plus mais… est-ce que. Oui, il ne se serait pas arrêter à poser des questions sommes toutes personnelles s’il n’avait pas compris quelque part qu’ils étaient jumeaux. D’une certaine manière, comprendre cela soulagea le cœur de Juzo. Il lança un nouveau regard dans le couloir, pour le moment vide.

« Ecoute, je serais ravi de te répondre. Mais… je ne sais pas si c’est aussi bizarre pour toi que pour moi mais je pense… qu’il serait judicieux de parler… » Il regarda autour d’eux et tressaillis en voyant deux élèves apparaitre au bout du couloir. « … ailleurs qu’ici ? » proposa-t-il avec hésitation. Il ne connaissait pas encore très bien Mahoutokoro, et il était bien en peine de deviner où ils pourraient aller pour discuter tranquillement mais il ne se sentait pas d’aller vraiment au bout des choses, d’aller au bout de cette rencontre inattendue au milieu d’un couloir où tout le monde pouvait passer et les écouter. Il espérait que sa proposition ne paraitrait pas trop cavalière, il tenait une bonne partie de ses manières directes de son adolescence passée en France, où certes la politesse est de mise, mais où l’on se retient beaucoup moins de dire ce que l’on pense qu’en Asie, d’après son expérience. Il fixait Thahan dans l’attente d’une réponse positive ou négative et appréhendait la négative.

Il ne saurait pas comment réagir si son… jumeau lui disait qu’il ne voulait pas lui parler, qu’il percevait la chose mais que ça faisait trop pour lui. Juzo n’était pas quelqu’un de patient en général et il avait peur de mal réagir sur le long terme s’il devait… ne pas pouvoir parler avec lui. Il entre-ouvrait la porte et croisait les doigts pour que ce frère aux cheveux de feu l’ouvre en grand.

   

Juzo semble mal à l’aise, Thahan l’a bien remarqué, il faut dire qu’il n’est pas forcément plus à l’aise que lui. Tout ça c’est… nouveau pour lui, bizarre serait plus juste mais dans tous les cas, une chose est sûre, en se levant ce matin, Thahan ne pensait pas tomber, littéralement, sur cet élève dont ses amis parlaient, sa copie conforme… Il l’observe, voyant bien les regards qu’il jette au couloir, comme pour s’assurer que personne n’écoute. Pour ce qui est de Thahan, ce n’est pas forcément ce qui l’inquiète le plus, jusqu’ici, la seule chose dont il évite de parler dans des lieux publics, c’est de son homosexualité. Mais il peut comprendre que Juzo préfère éviter les rumeurs et autre. Il lui dit alors qu’il veut bien lui répondre, qu’il ne sait pas si c’est aussi bizarre pour Thahan que pour lui mais qu’il serait sans doute mieux qu’ils aillent en parler ailleurs. Un endroit plus discret en somme. Cela ne dérange pas Thahan, au contraire, il a besoin de réponses et, visiblement, son jumeau les a, alors pourquoi fuirait-il? Surtout qu’il est connu pour être quelqu’un de sociable qui cherche toujours à se faire de nouveaux amis, conséquence de son traumatisme passé, alors… Et puis, c’est sa septième année ici, depuis le temps il connaît les endroits parfaits pour discuter sans être entendu d’oreilles indiscrètes.

-D’accord, je connais l’endroit parfait pour ça! Bon il faut marcher un peu et c’est à l’extérieur mais peu d’élèves y vont!

Thahan attend la réponse de Juzo, histoire de s’assurer qu’il veut bien le suivre, puis se met en route. C’est un peu étrange pour lui, marcher en compagnie de cet inconnu qui pourtant est son jumeau, c’est désormais une certitude. Il marche en silence, ne sachant pas trop quoi dire, il s’avance en direction de la plage.

-Il y a une petite grotte sur un côté de la plage, peu d’élèves s’y rendent, on est sûr d’être tranquille là-bas.

Parler sans le regarder semble être plus facile pour lui, sans doute parce qu’il n’est pas encore habitué à voir sa copie conforme face à lui. Il continue d’avancer, empruntant le petit chemin qui mène à la grotte jusqu’à ce qu’ils finissent par y arriver. Voilà, maintenant ils devraient sans doute être tranquille!

   

   

   Lorsque Thahan lui affirma connaitre un endroit parfait pour discuter tranquillement, Juzo se relâcha légèrement. Il acceptait de lui parler, sans a priori. C’était, plus qu’il ne pouvait l’imaginer. Il hocha la tête avec un demi-sourire et suivit le jeune homme en tâchant de mémoriser le parcours. Il ne comptait pas l’oublier, ça pourrait lui être utile. Il profita de cette marche en silence pour remettre de l’ordre dans ses pensées, vu qu’il n’avait pas eu le temps de le faire à l’avance avant de – littéralement – tomber sur son frère.

D’abord répondre à la question qu’il a laissé en suspens. Ensuite… répondre à toutes les autres… devait-il attendre qu’il les lui pose ou pas ? Devait-il devancer certaines ? en sachant qu’il ignorait la plupart des tenants et aboutissants ? Juzo n’avait après tout que des bribes d’informations qu’il avait patiemment remises bout à bout et décryptés. Il avait conscience qu’il pouvait avoir mal interprété des choses, mal comprises d’autres. C’était ce qui lui faisait le plus peur. D’un autre côté Thahan semblait… sympathique et malgré le choc, il avait l’air de prendre plutôt bien les choses. Juzo n’osait pas imaginer comment ça devait swinger dans sa tête. Déjà de dans la sienne c’était folklorique… Difficile à appréhender tout ça, il aurait eu beau faire des tonnes de préparatifs, rien n’aurait pu le rendre prêt à ça. Il s’arrêta à l’entrée de la grotte et détailla l’endroit avant d’entrer à la suite de Thahan. Fascinant lieu, il lui faisait penser à la clairière aux Fées à Beauxbâtons, sauf que c’était un lieu visiblement moins romantique et plus… brut, naturel. Ça lui plaisait. Il en fit le tour lentement, prenant le temps de prendre conscience du lieu et regardant du coin de l’œil son camarade et frère de sang.

« On s’est installés en France pour mes études de magie, pour faciliter les choses à mon frère et à moi. » lança-t-il tout de go, en butant légèrement – et pour la première fois – sur le mot ‘frère’. Quelque chose se tordit dans son ventre. C’était une sensation horrible. Il se retourna vers Thahan.

« C’est un cracmol. Et moi pas. » ajouta-t-il en haussant un sourcil. Allez, une question d’avancée. Est-ce qu’il… devait aussi en poser ? Il était lui aussi curieux de la vie de cet autre membre inconnu de sa famille, mais il se sentait indiscret. Il savait d’instinct qu’il lui devait des réponses, mais est-ce que le jeune homme accepterait de lui répondre ? Il prit une grande inspiration, et se lança sans filet.

« Et toi ? Tu as toujours vécu au Japon ? »

   

   

   Thahan laisse le temps à Juzo de répondre, le laissant observer la grotte. Il finit par lui répondre, déclarant qu’ils se sont installés en France pour faciliter leurs études à son frère et lui. Donc il a un frère… un frère cracmol qui plus est. Dans un coin de sa tête, Thahan ne peut s’empêcher de réfléchir, comparer, penser… Il a un frère cracmol et lui vient d’une famille de moldus… Bizarrement, même si, après tout, il ne peut être sûr de rien, quelque chose fait tilt dans son esprit. S’il a utilisé le terme cracmol, c’est qu’il vient d’une famille de sorciers, hors s’ils sont jumeaux, chose désormais indéniable, ils sont du même sang. La question que se pose Thahan, c’est laquelle est la vraie? Mais pour l’instant, il préfère ne pas trop y penser pour ne pas se tromper. C’est au tour de Juzo de le questionner, lui demandant s’il a toujours vécu au Japon. C’est vrai que Thahan n’a jamais visité d’autre pays, il aurait bien aimé mais, bien que sa famille adoptive soit loin d’être pauvre, l’occasion ne s’est jamais présenté.

-Oui, j’ai toujours vécu ici, j’ai été recueillis par une famille de sorciers, je viens d’une famille de moldus, enfin…

Il ne sait pas comment finir sa phrase. Il pensait être un né-moldu et voilà que cette certitude s’effondre. Ce n’est rien de très important dans un sens et pourtant, voir une de ses certitudes s’écrouler le perturbe tout de même.

-Je n’ai jamais quitté le Japon, j’aurais bien aimé mais le travail occupait trop mes parents et ma soeur était aussi souvent occupée alors… je n’en ai jamais eu l’occasion.

Il parle bien évidemment de sa famille adoptive, seulement pour eux ils sont sa vraie famille, c’est pourquoi il a l’habitude de parler d’eux sans préciser qu’ils ne sont pas reliés par le sang, en fait il n’en voit pas l’intérêt.

-A part ton frère, tu as d’autres frères et soeurs? demande-t-il.

Sans vraiment savoir pourquoi, il a envie d’en savoir plus sur sa famille. Visiblement, ils sont tous sorciers, enfin sauf son frère d’après ce qu’il a dit.


   

Il venait d’une famille moldue, alors peut-être… Son esprit fit une cabriole. Eiji n’était pas un cracmol, mais un moldu pur souche en vérité. Il ferma les yeux un instant, pour prendre le temps de réaliser. Il voyait le visage de son frère de cœur flotter dans son esprit. Il se sentait comme un traitre mais il rouvrit les yeux et dévisagea Thahan. Il hocha la tête. Est-ce qu’il était trop tôt pour lui proposer de voyager avec lui ? Deux secondes de réflexions lui suffirent pour savoir que oui. Mais il en avait envie. Il ne le connaissait pas encore vraiment, mais rien que le regarder lui faisait se sentir à l’aise d’une certaine manière. Il éprouvait une sensation de familiarité à son contact.

Dans son esprit, il catégorisa la famille sorcière qui avait recueillie Thahan dans une case, et sa famille moldue dans une autre, son instinct lui disait que ça avait son importance. Il avait une sœur plus âgée, ou en tout cas le supposait vu qu’il parlait qu’elle avait un travail, ou du moins était occupée. Ses archives mentales étaient lancées. Il revient sur terre d’un clignement d’œil et secoua la tête.

« Non, juste Eiji. » Il esquissa un sourire amusé. Il avait failli rajouter que c’était largement suffisant à ses parents mais… plus tard. Pour l’instant, ce genre de remarques étaient de trop. Par contre il pouvait dire autre chose : « J’ai des cousins par contre, ils sont encore petits, Kamui arrivera à Mahoutokoro l’année prochaine. Je… nous… euh… Eiji et moi sommes les plus vieux enfants de la famille, maman n’a plus de parents et était fille unique, et papa… Et bien sa famille est ici, au Japon et un peu… enfin bref. » Il avait failli dire envahissante mais quelque chose l’en avait empêché. Comme une gêne à l’idée d’admettre qu’i trouvait sa famille agaçante lorsqu’il passait trop de temps avec eux. Lui, qui avait la chance de connaitre sa famille de sang.

Impressionnant comment ils arrivaient tout deux à avoir cette conversation en évitant de mentionner l’éléphant dans le magasin de porcelaine. Juzo se passa la langue sur la lèvre, nerveux. Est-ce qu’il serait celui qui lâcherait la bombe ? Il se mit bien en face de Thahan et le fixa avec sérieux. Il hésitait mais il savait qu’il ne pouvait pas se dérober.

« Je… Enfin… » bégéya-t-il sans que les mots ne sortent. Pour le sérieux et la franchise on repassera au train de minuit !

Raté, il avait la gorge nouée et les mots se bloquaient. Il n’arrivait pas à les sortir. Il ferma de nouveau els yeux pour prendre du courage et se concentra avant de les rouvrir.

« Tu es proche de ta famille ? » demanda-t-il plutôt.

   

Juzo lui répond alors qu’ils ne sont que deux. Dans son esprit, Thahan en conclut que s’ils sont jumeaux, ce Eiji doit être celui qui, sans le savoir ni le vouloir d’ailleurs, a prit sa place. Il préfère ne pas faire de conclusions hâtives mais, à ses yeux, ça semble la réponse la plus logique. Seulement, ils ont dû remarquer qu’ils ne se ressemblaient pas, même de faux jumeaux ont des airs de ressemblance, comme de simples frères mais Thahan préfère éviter de trop y penser, après tout pour l’instant, ni Juzo ni lui n’ont mentionné ce qu’ils savent pourtant tous deux. Juzo reprend en déclarant qu’il a des cousins du côté de son père, dont un qui devrait entrer à Mahoutokoro l’année prochaine. Thahan acquiesce simplement, ne sachant pas quoi dire. Sans comprendre pourquoi, Thahan regarde son jumeau se placer face à lui, le regard sérieux, comme s’il avait quelque chose d’important à lui dire mais visiblement, les mots ne réussirent pas à sortir de sa bouche. Juzo ferme alors les yeux pour les rouvrir et il demande finalement à Thahan s’il est proche de sa famille.

-Oui, je suis très proche d’eux. Surtout de ma soeur. Sans eux, aujourd’hui je…

Il ne parvient pas à le dire, parler de son passé, de l’abandon de ses parents qui ne sont d’ailleurs au final peut être même pas ses vrais parents reste encore douloureux pour lui. Même avec sa nouvelle famille, il n’a raconté son histoire qu’une seule fois, il n’en a jamais reparlé depuis. A chaque fois qu’il y repense, son regard change, on peut y lire de la tristesse et surtout, une grande douleur. C’est pourquoi il détourne aussitôt le regard, s’avançant vers un coin de la grotte, faisant sembler de s’intéresser à la paroi.

-Ils m’ont recueillis et m’ont toujours considéré comme leur fils, ma soeur aussi, c’est eux qui m’ont appris l’existence du monde des sorciers, qui m’ont appris ce que j’étais.

Il s’arrête là, ne sachant pas quoi dire d’autre et surtout, se sentant gêné d’un côté sans vraiment savoir pourquoi, sans doute peut être vis à vis de son jumeau. Il se demande qui sera le premier à aborder le sujet.

-Et toi? demande-t-il finalement.

Il se demande s’il n’aurait pas dû éviter cette question, au fond, l’entendre parler de sa relation avec son faux jumeau, il n’est pas sûr d’en avoir vraiment envie. Peu importe qu’il ne peut plus nier l’évidence, il a encore du mal à se rendre compte qu’il a grandit dans la mauvaise famille, à la mauvaise place même s’il ne regrette pas d’avoir rencontré les Chiba...

   

Il fronça les sourcils à l’hésitation de Thahan. Et quelque chose dans ses yeux lui fit ouvrir le dossier « famille moldue » et y ajouter « tristesse = mauvais traitements/mort prématurée ? ». Il n’osa pas demander, il sentait que c’était un sujet houleux, et sûrement compliqué à aborder pour son jumeau, alors il écouta tranquillement et se tût. Il pencha légèrement la tête, surpris alors qu’il ne l’aurait pas dû. Bien sûr qu’il a découvert le monde sorcier par d’autres que ses parents moldus, ça semble évident, mais pour Juzo, qui a toujours grandi entouré de magie, ça reste surprenant.

« Ah. Je vois. Je comprends. Tant mieux. » se contenta-t-il de dire en glissant les mains dans les poches.

Il caressa doucement Vanis du bout des doigts tandis qu’il réfléchissait à la manière de formuler sa réponse à la question de Thahan. Il ne voulait en aucun cas vexer ou mettre mal à l’aise le jeune homme d’un autre côté il ne voyait pas comment adoucir ou détourner ses propos alors il choisit l’honnêteté.

« On est une famille soudée. Lorsque je suis entré à l’école de magie, mon frère et moi nous sommes un peu éloignés, mais ça aurait pu être pire. » Il haussa les épaules, fataliste. « Nos parents voyagent beaucoup pour leur travail alors on a beaucoup fonctionné en famille plutôt qu’en relation avec le monde extérieur. Ça crée des liens forts c’est sûr… »

Il hésita un peu, il sentait ça pouvait s’enchainer ainsi. Il cocha donc la case de sa liste mentale des sujets à aborder et se lança :

« Après, quand j’ai commencé à comprendre que Eiji n’était pas mon vrai frère, ça m’a aussi éloigné un peu de lui, je l’avoue… Mais comme ça coïncide au niveau dates… ça ne change au final pas grand-chose. Et je l’aime quand même, il n’y est pour rien. Pas plus que toi évidemment . »

Il ne réussit pas à garder le regard sur Thahan et détourna légèrement les yeux, mal à l’aise, et un peu triste aussi quelque part. Il pinça les lèvres et haussa les épaules.

« Bah, la vie, le destin tout ça ! Quelle plaie, hein ? » dit-il en levant les yeux au ciel, un air blasé sur le visage.

   

   A ses paroles, Juzo se contente de répondre simplement, visiblement, il ne compte pas insister sur sa famille moldue et Thahan ne peut que l’en remercier, ce n’est pas un sujet facile pour lui. Il répond ensuite à sa question, déclarant qu’ils sont une famille soudée, que ses parents voyagent beaucoup pour leur travail alors ils ont plus fonctionné en famille qu’avec le monde extérieur. Thahan peut le comprendre. Juzo poursuit en déclarant qu’il s’est un peu éloigné de son frère quand il a compris qu’il n’était pas son vrai frère, ce qui fait tilter Thahan. Donc il l’a compris seul… Du moins, c’est ce qu’il en déduit. En même temps, s’ils ne se ressemblent pas, ce qui est logique vu qu’ils n’ont aucun lien de parenté véritable, ce devait être évident de comprendre qu’il n’était pas son vrai frère. Il se demande si ses parents aussi, l’ont compris. Sans doute… Thahan ne connaît pas Eiji et il ne peut pas lui en vouloir pour ce que ses parents ont fait, pourtant il ne peut s’empêcher de ressentir un brin de jalousie envers lui, lui qui finalement, n’a peut être pas forcément gagner au change mais il n’y a pas perdu en tout cas, pas comme Thahan, marqué à vie par son abandon, ce traumatisme qui lui vaut encore aujourd’hui la peur d’être abandonné.

Il poursuit en terminant, déclarant qu’il aime son frère quand même, qu’il n’y est pour rien. Il a raison, pourtant Thahan ne peut pas s’empêcher de l’envier. Il repense à son prénom, celui qui aurait dû être le sien et vice-versa. Il ne comprend pas comment une telle erreur a pu avoir lieu, en y réfléchissant bien, pour lui, c’est évident, ils ont dû être échangé à la naissance. Autant dire qu’il a du mal à accuser le coup. Depuis toujours, il vit sous l’identité d’un autre. Il n’est pas un sorcier né moldu, mais un sang mêlé, ou un sang pur, à vrai dire à ce niveau là il ne peut pas savoir et préfère éviter de demander. Il entend Juzo parler en français mais, ne connaissant pas un seul mot de cette langue, il ne comprend pas ce qu’il dit, songeant que c’est sans doute intentionnel. Il l’écoute reprendre, déclarant que le destin est une plaie tout en levant les yeux au ciel. Oh ça oui, même si le destin a mit sur sa route la famille Chiba, il aurait tout de même préférer grandir dans sa vraie famille, avec son jumeau. S’il pouvait, il retrouverait cette idiote de personne qui l’a échangé lui avec le fils de ces moldus et autant dire que même si Thahan est loin d’être méchant, elle passerait tout de même un sale quart d’heure!

-Certes, sans doute que je ne suis pas né sous une si bonne étoile que ça…, déclare-t-il en haussant les épaules.

Mais il aurait pu avoir pire, ne jamais être trouvé par sa soeur adoptive, au final, sans eux, il ne serait sans doute plus là aujourd’hui. C’est pourquoi il leur sera toujours reconnaissant.

-Et tes parents? Ils le savent? demande-t-il finalement.

Pour lui, c’est évident qu’ils doivent savoir, s’ils devaient être de vrais jumeaux, avoir deux garçons qui ne se ressemblent clairement pas, c’était un indice assez convaincant non?

   

Juzo grimaça en entendant la réplique de Thahan et détourna les yeux. Il avait envie de s’excuser mais c’était dur parce qu’il était satisfait par un autre côté d’être là, et de pouvoir faire connaissance avec ce jumeau qui avait tant hanté ses songes pendant son adolescence. Il sentait qu’il y avait des non-dits, et il savait qu’ils ne venaient pas que de Thahan mais c’était peut-être un peu tôt pour essayer de totalement briser la glace, si ? Il tressaillit à la question et pinça les lèvres.

« Disons… Je… On en a jamais discuter. C’est tout un assemblage de petites choses, comme un puzzle qui m’ont fait comprendre. Et leur attitude parfois, leurs regards envers Eiji… étaient parlant pour moi quand j’ai commencé à chercher. Je veux dire… » Il se désigna et désigna ensuite Thahan dans un geste désinvolte. « … s’ils savaient qu’on était des vrais jumeaux, je pense qu’ils ont dû se poser des questions quand ils nous ont vu grandir avec mon frère, tu ne crois pas ? » remarqua-t-il avec un ton sarcastique. Et il l’avait dit cash, bon, maintenant du nerf ! Continuons sur notre lancée !

« Et ils en ont clairement parlé à la famille de mon père parce que c’est une lettre le mentionnant qui a mis les mots sur ce que je devinais. En revanche… En revanche personne ne sait pourquoi j’ai voulu venir à Mahoutokoro. » Il haussa un sourcil éloquent en regardant Thahan et détourna ensuite le regard un peu gêné.

« Et je me dis que j’ai été très égoïste, pour être honnête. Parce que… moi, je te cherchais, mais je te dérange dans ta vie, tu ignorais tout ça, et parfois, est-ce que c’est pas mieux de ne pas savoir ? » interrogea-t-il, l’air triste et inquiet. Il avait besoin de savoir ce qu’en pensait le jeune homme en face de lui, c’était important pour lui. Pas qu’il veuille se dédouaner, il assumait ses actes. Il voulait juste, se rassurer un peu, ou pouvoir mettre des mots sur ses erreurs s’il y en avait. Il voulait que tout soit clair et précis. Juzo aimait la précision, surtout quand il avait l’impression de ne même pas pouvoir la toucher du doigt à cause d’un maëlstrom d’émotions qui le perturbaient en ce moment même.

Il soupira et rejoignit la paroi de la grotte pour s’y adosser, s’éloignant un peu de Thahan. Il avait besoin d’un peu d’air, et en même temps, il ne voulait pas… C’était compliqué. Il n’arrivait pas à être très clair dans sa tête. Fichue adolescence et fichues hormones.

   

Juzo lui apprend alors qu’il n’en a jamais parlé avec ses parents, ce qui veut dire que Eiji non plus n’est pas au courant. Mais pour Thahan, il ne doit pas être si idiot que ça, si comme Juzo l’a dit, les regards de ses parents sont si éloquents que ça, il a déjà dû comprendre, surtout en voyant qu’il ne ressemblait pas du tout à son “jumeau”. Seulement il doit garder ça pour lui, Thahan se demande s’il s’est déjà posé des questions sur sa vraie famille. Même s’il n’y est pour rien et que sans doute ses parents se seraient montrés bien plus affectifs avec lui, forcément lui n’est pas “bizarre”, il en veut toujours à ces moldus qu’il pensait être ses parents, d’un autre côté, savoir que ce n’est pas le cas soulage un peu cette douleur qu’il a ressenti lorsqu’ils l’ont abandonné. Juzo continue de parler, d’expliquer, jusqu’à dire qu’ils ignorent pour quelle raison il désirait venir à Mahoutokoro, faisant clairement comprendre à Thahan que la raison, c’est lui. A vrai dire, cela ne le surprend pas plus que ça et puis, sans doute qu’à sa place, il aurait fait la même chose. Mais Juzo continue, déclarant qu’il a été égoïste, qu’il le dérange dans sa vie, que lui ne savait rien et que tout d’un coup ça lui tombe dessus. Mais au fond, il ne sait pas vraiment si c’est cette discussion, ou le fait d’apprendre tout ça, simplement, un souvenir de sa vie avant les Chiba lui revient.

-Tu te trompes… J’avais oublié ce détail parce que… peu importe… Mais je me souviens, quand je vivais encore avec mes parents, enfin faux parents… bref, j’ai surpris une discussion entre eux. Je les ai entendu parler de moi, comme quoi ils se posaient des questions, si j’étais vraiment leur fils parce que je ne leur ressemblais pas… ni à personne de ma... de leur famille...

Maintenant qu’il y repense, oui, il s’en souvient bien. C’était au même moment où ses pouvoirs avaient commencé à se manifester.

-Ils ne m’en ont jamais parlé et peu de temps après… enfin bref, après cette discussion et mes pouvoirs qui se sont manifestés, j’ai commencé à y réfléchir. J’ai commencé à y croire parce que…

Thahan cherche ses mots, à vrai dire, il avait cessé d’y penser après son abandon, enfouissant son passé tout au fond de lui pour ne plus jamais y penser, occultant par conséquent également ce sentiment.

-Tu… tu as déjà entendu parler de ce lien spécial entre les jumeaux, en particulier les jumeaux monozygotes?

A vrai dire, c’est seulement maintenant que ça fait sens dans son esprit, il faut dire qu’à l’époque, il n’a pas cherché très longtemps, étant donné qu’il a commencé à se poser la question peu de temps avant de se retrouver abandonné, il a ensuite vite tout occulté de son esprit pour ne plus y penser.

-Gamin, j’ai toujours ressenti quelque chose sur lequel je n’arrivais pas à mettre de mots, comme une sorte… de manque? J’ai essayé d’en comprendre la raison au début et puis, quand j’ai atterris chez les Chiba, j’ai simplement… occulté mon passé et ce sentiment avec… Maintenant je suppose que… tout ça explique ce sentiment…

En parlant de tout ça, il parle bien sûr de cette histoire, d’eux deux…

-Je pense… c’est sans doute pour ça que tu… tu as voulu me retrouver, tu ne crois pas?

C’est étrange de penser de cette façon étant donné qu’au final, ils sont encore des étrangers. Pourtant, il a toujours entendu dire que la relation entre jumeaux monozygotes était spéciale, bien plus qu’entre simples frères et soeurs, au final, c’est peut être vrai...

   

Juzo était surpris, c’était logique, que les autres se soient rendu compte que quelque chose clochait… Il fronça les sourcils lorsqu’il entendit Thahan élider sa phrase, mémo mental : revenir sur le sujet le jour où ce sera de bon ton. Il cligna des yeux surpris par la question et secoua la tête par automatisme.

« Jamais entendu parlé… enfin, en tout cas on m’en a jamais parlé comme si c’était spécial. » remarqua-t-il.

Il se perdit dans ses pensées tout en écoutant les paroles de son jumeau… Oui, ça pouvait faire sens. Ce malaise léger qu’il avait ressenti par moment avec Eiji, comme si quelque chose n’était pas à sa place. Ce désir impérieux et presque obsessionnel de retrouver ce frère perdu à la naissance… Il hocha la tête lentement.

« C’est peut-être pour ça. Je… Je pensais que ça serait… comment dire ? Naturel tu vois. Comme dans les livres ou les bandes dessinées. » Il rougit en disant ça. « Mais je… Enfin, ça reste bizarre. Tu ne trouves pas ? Déjà, pour être sincère, j’étais pas préparé à tomber sur toi ici. C’est dire à quel point j’étais mal préparé (et pas malin !) » rit-il de lui-même. « Ensuite je t’ai vu de loin et j’ai paniqué. Ca doit faire une semaine que je te fuis parce que je savais pas quoi te dire… » Il lui lança un regard coupable. « Tu dois me trouver ridicule. Moi, je sais d’une certaine façon depuis des années et… je suis un empoté. »

Il s’auto met une pichenette sur le front, l’air de dire qu’il est complètement à la rue et finit par détailler Thahan, cherchant des réactions sur son visage.

« Je… suis surpris, tu le prends mieux que je ne l’aurais pensé en vérité. Moi je crois que j’aurais pété un scandale et j’aurais tout envoyé valser en hurlant au polynectar… » ajouta-t-il l’air songeur. « J’aurais collé un procès à l’hôpital de notre naissance, et à nos parents pour ne pas avoir cherché plus… Après, je dis peut-être encore des bêtises et qu’ils ont cherché mais sans rien obtenir comme infos. Comme je t’ai dit, je ne sais pas vraiment. J’ai compris de moi-même, au fur et à mesure… »

   

Visiblement, Juzo n’a jamais entendu parler de ce lien spécial entre jumeaux, surtout jumeaux monozygotes mais Thahan ne se voit pas faire tout un monologue là dessus, au pire, il pourra toujours lui en parler plus tard. Juzo lui avoue alors qu’il avait pensé que leur retrouvaille serait plus naturel, comme dans les bandes dessinées. Hélas, la vie, la vraie, est loin de ressembler aux bandes dessinées. Il poursuit ensuite en déclarant qu’il ne pensait pas tomber sur lui, pourtant aux yeux de Thahan, y avait de fortes chances, à moins qu’il n’ait déménagé, certes mais il restait quand même une chance de l’y trouver. Il lui avoue l’avoir croisé une semaine plus tôt et que depuis, il le fuit, parce qu’il ne sait pas quoi lui dire. Autant dire que Thahan a du mal à y croire. Une semaine? Mais bon, d’un côté, à sa place, il aurait sans doute été pareil.

-Je ne te trouve pas ridicule, j’aurais sans doute réagi de la même façon, dans ce genre de moments, c’est difficile de trouver les bons mots…

Juzo déclare alors qu’il est surpris, qu’il ne pensait pas qu’il le prendrait de cette façon, qu’à sa place, il aurait tout envoyé valser en criant au polynectar. C’est vrai que Thahan y a pensé, avant même de tomber sur lui, littéralement, d’ailleurs. Mais pour lui, c’est impossible, pourquoi prendre du polynectar pour prendre son apparence? Lui, qui est loin d’être le plus connu de l’école, certes, il a ses amis et ils auraient pu lui faire une blague, ce à quoi il a songé au début mais ils n’iraient pas jusque là. Ils connaissent Thahan et son caractère, lui faire ce genre de blague, ils savent parfaitement qu’il leur en voudrait.

-Pour être sincère, mes amis m’ont parlé de toi, enfin d’un élève qui me ressemblait traits pour traits, au début je me suis dis qu’ils devaient blagué, mais après même d’autres élèves que je ne connais pas forcément m’en ont parlé… Et puis… mes amis me connaissent, ils savent que je l’aurais mal pris s’ils étaient allé jusque là… Aussi, tu sembles aussi mal à l’aise que moi et ton français dont l’accent ressort assez quand tu parles japonais, c’est aussi suffisant comme preuves, sans parler de ton histoire, mes amis ne savent même pas que je suis un né moldu, enfin, ce que je pensais être…

Il s’arrête là. A vrai dire, il ne le leur a pas vraiment caché, simplement ils n’ont jamais posé la question et puisqu’il vit depuis ses sept ans dans une famille de sorciers, forcément, il y était déjà familier avant son entrée à Mahoutokoro.

-Pour ce qui est de l’hôpital, à vrai dire, quand j’ai compris, autrement dit y a à peine quelques minutes, j’y ai bien pensé, pas vraiment au procès en fait, mais à la personne fautive… Quant à t… aux parents, qu’ils aient cherché ou non, que je leur en veuille ou non, ça n’a pas vraiment d’importance et ça ne changera rien alors…

C’est vrai. Il ne peut pas vraiment leur en vouloir après tout, ils n’avaient aucun indices, rien, et même s’ils avaient su le nom de famille de ses faux parents, il a changé depuis.. Et puis, Thahan n’a juste pas la force de se prendre la tête avec ça. Il essaie déjà de digérer tout ça. Lui, le petit puppy comme l’appellent ses amis, le garçon toujours enjoué et souriant, c’est bien la première fois qu’il semble aussi perdu.

-Même si ça n’en a pas l’air, j’ai encore du mal à digérer l’info, se retrouver en face de sa copie conforme, apprendre que j’ai été échangé à la naissance… ça fait beaucoup même si… d’un côté, ça me soulage de l’apprendre…

Du moins, ça apaise un peu sa douleur ressentie par l’abandon, même si ça ne changera pas le fait qu’il ait peur que ça puisse se reproduire...

   

Il hocha la tête sans rien ajouter, il n’y avait rien à dire de plus de toute façon. Il grimace et hoche la tête, c’est pas parce qu’on parle japonais de naissance que sept ans dans un pays n’en altère pas la langue. Ses parents ne faisaient jamais de commentaires dessus mais parfois sa mère se moquait de leurs prononciations, à Eiji et lui. C’était une blague qui revenait souvent dans la famille. Quelque chose de simple et d’intime qui les reliait. Il sourit, rassuré de voir qu’il était cru, même s’il en avait peu douté, entre le deviner et l’entendre… Ca n’était pas la même chose, clairement. Juzo écouta tout ce qu’il avait à dire, religieusement, sans chercher à rajouter sa sauce et se laissa glisser au sol.

Immédiatement Vanis sortit de sa poche et vint crapahuter autour de lui, grimpant sur ses bras, ses épaules, sautant de ses mains, venant fourrer sa minuscule truffe dans le creux de son cou.

« Je comprends Thahan. Alors. Disons que. Apprenons à nous connaitre ? » Proposa-t-il en levant les yeux, plein d’espoir. « Je serais ravi d’en apprendre plus sur toi, tes gouts et tout ça, si tu le veux bien. »

La souris sauta sur le sol et fila renifler autour de Juzo, le sol de la grotte et ses parois. Elle retrouva bien vite la sécurité de son maitre qui la désigna avec un petit sourire.

« Voici Vanis, fille de Sourcia, fille d’Harnica, fille de Souris. » Il lui lança un sourire amusé. « Souris est la première que nous avons eue, et je n’avais aucune fichue imagination à l’époque… Et ça n’a pas tant changé. » Il leva les yeux au ciel. « Tu as un compagnon de ce genre, toi ? »

   

Juzo l’écoute sans rien dire, le laissant parler dans l’interrompre une seule fois. Seulement une fois qu’il a finit, il prend la parole, déclarant qu’il comprend et qu’ils peuvent simplement, apprendre à se connaître. Qu’il a très envie d’en savoir plus sur lui, sur ses goûts. Tandis qu’il parle, Thahan observe le petit animal qui est sortit de la poche de son jumeau, jusqu’ici il ne l’avait pas remarqué, elle devait être bien calme dans la poche de son maître. Thahan se rapproche de son frère, se laissant glisser sur le sol, non loin de lui. Il laisse échapper un léger rire, il est évident que Juzo ne connaît pas Thahan et sa réputation de gamin sociable et toujours en quête d’amis, il l’a toujours été, depuis sa première année.

-Mes amis me surnomme Little puppy, parce qu’ils trouvent que je suis comme un chiot, toujours sociable et heureux de me trouver de nouveaux amis.

Il tourne son regard vers lui. Jusqu’ici, il ne peut pas vraiment dire s’ils ont d’autre ressemblances en dehors de leur apparence.

-Moi aussi, j’ai envie de te connaître et peut être que… peut être aussi un jour t… les parents, un jour…

Pour l’instant, il n’est pas encore prêt, s’il a accepté l’existence de son jumeau et surtout, qu’il fasse partie de sa vie, pour ses parents biologiques, pour l’instant c’est encore trop tôt, déjà apprendre à connaître son jumeau, le reste il verra plus tard. Juzo lui présente alors sa souris, visiblement pas la première de la famille. Il lui demande alors si lui aussi, a un animal.

-Un chaton que mes parents m’ont offert à noël dernier, je l’ai appelé Karma, mais il aime se balader, il vient surtout réclamer des caresses quand il a envie, parfois il me suit dans les couloirs mais le plus souvent, il fait sa vie.

Karma, c’est le nom d’un personnage de manga que Thahan adore, le premier tome est sortit quand il avait dix ans et même sept ans après et trois ans après la sortie du dernier tome, il l’adore toujours autant.

-Je me demande toujours ce qu’il peut bien faire, vu qu’il ne semble pas très intéressé pour chasser… Je pense qu’il passe la plupart de son temps à se balader dehors et à dormir à l’ombre d’un arbre, surtout quand il fait beau, s’il fait trop froid il traîne dans les couloirs et dort sur mon lit.

Même si son chat n’est pas toujours après lui, il l’adore, il vient toujours lui réclamer caresses et câlins, il est tout de même assez affectueux.

   

   

Juzo sourit légèrement à la remarque de Thahan et lui indiqua la place à côté de lui au cas où il souhaitait s'asseoir. Il hocha ensuite la tête à la remarque de son jumeau mais fronça les sourcils.

"Je ne t'obliges à rien, c'est pas pressé. Un an de plus ou de moins ça ne changera rien pour eux je pense... mais pour toi si. Prends ton temps, je t'ai assez bouleversé pour plusieurs mois je pense." Il s'esclaffa avec amusement tout en continuant de jouer avec Vanis.

Il redressa les yeux pour regarder Thahan, dans ses prunelles brillaient un éclat de joie pure et il lui fit son plus grand sourire.

"Je suis cependant content que tu soit du même avis que moi."

Et il retourna à sa souris, l'air plus détendu qu'il ne l'avait été depuis cette chute dans le couloir. Il écoutait avec attention Thahan, un air calme sur le visage.

"J'espère qu'il ne voudra pas manger Vanis, elle est protégée par un petit sortilège contre ce genre de scénarios mais ne tentons pas le diable... Il a l'air mignon ceci dit."

Et la conversation continua ainsi, calmement, et un peu hésitante.